lørdag 21. mars 2015

Deux hommes dans la Bible

Evidemment, au propre, il y a bien plus de deux hommes dans la Bible. Mais je veux dire que la Bible nous montre qu'il y a deux types d'hommes (je veux dire viri et pas homines). On le voit d'abord avec Caïn et Abel. On le voit aussi avec Ismaël et Isaac. Mais c'est dans les figures d'Esaü et de Jacob que le contraste est le plus parlant parce qu'il s'agit de jumeaux.

Esaü nous est présenté presque comme une caricature du mâle. Au verset 25 du chapitre 25 de la Genèse, Esaü, bébé, est décrit déjà comme un manteau de poil ! Son nom voudrait d'ailleurs dire "velu". Au verset 27, on voit se préciser les traits. Esaü bat la campagne. C'est un chasseur. Il se dépense tant physiquement que, un jour, il abandonne son droit d'ainesse à Jacob en échange d'une soupe de lentilles que son frère était en train de préparer (versets 29 à 33).

A la fin du chapitre 26, au verset 24, on voit qu'Esaü se marie avec des Cananéennes, des femmes qui appartiennent à des peuples que, plus tard, l'Eternel vouera à l'interdit. Il y a, aussi, en filigrane, la prostitution spirituelle d'Esaü qui ne sera jamais durablement, et de tout son coeur, fidèle à l'Eternel. Quelques pages plus loin, on voit que Esaü se rend compte que ses parents désapprouvent ses mariages. Au verset 9 du chapitre 28, on le voit donc prendre pour autres femmes deux de ses cousines, des filles de son oncle Ismaël. C'est aussi un autre trait révélateur d'Esaü. Il comprend confusément qu'il n'est pas dans la volonté de ses parents, et cela implique qu'il n'est pas non plus dans la volonté de l'Eternel, mais il prend des initiatives charnelles qu'il croit être de bonnes solutions ... au lieu de demander ce qu'il devrait faire !!!

Jacob, au contraire, ferait presque figure de "femmelette": "Voici, Esaü, mon frère est velu. et je n'ai point de poil" (27:11). Pendant qu'Esaü tue du gibier à tour de bras, Jacob reste tranquillement dans sa tente (25:27).

Isaac, qui lui-même, a dans la Bible une image moins "virile" que Ismaël, préfère Esaü tandis que Jacob est le préféré de sa mère. Un autre trait frappant de Jacob, c'est combien il est peu dominateur vis-à-vis de ses épouses. Il est stupéfiant de voir qu'elles peuvent décider avec qui il doit coucher et qu'il s'exécute sans discuter les ordres (30:3, 30:9, 31:16) !!! Et, au verset 38 du chapitre 42, l'attachement de Jacob à Benjamin paraît exagérément maternel. Jacob s'exprime comme une mère-poule chaque fois qu'il est question du petit dernier.

Mais où est-ce que tout ce récit veut en venir ?

Jacob, c'est Israël ! C'est le père des 12 patriarches qui fondent les 12 tribus d'Israël (Joseph étant par la suite représenté par 2 tribus issues de ses deux ainés).

Mais Esaü, qui représente-t-il ? Historiquement, on voit sa progéniture constituer sur la montagne de Seïr un petit peuple souvent en guerre avec Israël, faisant cause commune avec ses ennemis: Edom. Jusque sous l'Empire romain, cette petite nation subsistera dans la province d'Idumée puis, comme Moab et Ammon, disparaîtra dans les brumes de l'histoire.

Cependant, Esaü a aussi une signification spirituelle dans le Judaïsme. Peu de Chrétiens le savent mais, pour la tradition rabbinique, le frère charnel d'Israël est l'ancêtre spirituel des Chrétiens comme, Ismaël, mais cela les Chrétiens le savent, est celui des Musulmans.

Si l'on se donne la peine d'y réfléchir, pendant des siècles, la fine fleur des hommes d'Europe, la noblesse, a exalté la chasse et la guerre. D'ailleurs, la chasse est restée emblématique de la noblesse et de la haute-bourgeoisie européenne jusqu'aujourd'hui. En cela, elle incarne un modèle de "virilité" qui, malheureusement, est effectivement celle d'Esaü.

Mais, une autre émanation de l'Europe, un pays trop récent pour que la noblesse, déjà entrée en décadence lors de la proclamation de son indépendance, ait pu y jouer un rôle politique, un pays qui domine aujourd'hui le monde de sa puissance, les Etats-Unis, projette également sur la planète une image de virilité tout en muscles, celle de superman, des g.i, des Californiens adeptes du body building. Encore et toujours la virilité d'Esaü !

Or, l'Eternel a haï Esaü et a aimé Jacob. Aussi, comme Caïn a été consumé du désir de tuer son frère Abel, Esaü a voulu tuer Jacob (Genèse 27:41).

C'est ici que l'identification que font les rabbins des Chrétiens avec Esaü devient troublante car, effectivement, au cours de l'histoire, l'Europe chrétienne a régulièrement spolié et massacré les descendants de Jacob.

Or, la Bible contient plusieurs textes qui se réfèrent à Edom (Jérémie 49: 7-27, Esaïe 34) et certains pourraient tout aussi bien être transposés à l'attitude des Chrétiens envers Israël.

Il y a notamment la chapitre 35 d'Ezechiel. Le verset 6 interpelle. Les Chrétiens, à la différence des Juifs et des Musulmans, ne se sentent pas liés par le commandement donné par l'Eternel à Noé (Genèse 9:4) et pourtant confirmé en Actes 15:20. Le verset 10 fait aussi penser à la prétention de moult Chrétiens d'être un nouvel Israël, comme si l'Eternel avait dépossédé Jacob de son héritage. Il y a aussi le psaume 137 et ses versets 7 à 9. Pendant la seconde guerre mondiale, qui fut comme une récapitulation de la déportation à Babylone, il n'y a pas eu que des "justes" parmi les Chrétiens et il s'en est trouvé de presque toutes les dénominations pour prêter main forte aux nazis.

Les trois couleurs de Dieu

Exode 26:1 Tu feras le tabernacle avec dix tapis de fin lin retors, et d'etoffes teintes en bleu, en pourpre et en cramoisi ...

26:31 Tu feras un voile bleu, pourpre et cramoisi, et de fin lin retors ...


26:36 Tu feras pour l'entrée de la tente un rideau bleu, pourpre et cramoisi et de fin lin retors ...

27:33 Tu mettras autour de la bordure, en bas, des grenades de couleur bleue, pourpre et cramoisie ...


A plusieurs reprises, le texte biblique dans lequel Dieu explique à Moïse comment agencer le tabernacle fait état de l'utilisation de trois couleurs.

Les avis des linguistes divergent sur ce à quoi correspondent exactement ces trois couleurs dans les langues modernes.

Mais la traduction de Louis Segond que j'ai citée retient bien mon attention car mon expérience de Dieu est aussi passée par des couleurs.

La première fois que j'eus une expérience sensible de la présence de Dieu, sans d'ailleurs le savoir à ce moment-là, ce fut à Bruxelles au cours de l'automne1992.

Depuis le printemps 1989, j'avais l'habitude de me rendre au lieu de recueillement de la Commission européenne qui se trouvait alors au voisinage du bâtiment Berlaymont, du côté du rond-point Schuman.

C'était les mercredis que se réunissait un groupe de prière oecuménique à 13 heures. A vrai dire, il y avait plus de "clercs", deux ou trois jésuites catholiques, un pasteur réformé, un officier de l'Armée du salut, que de fonctionnaires européens.

C'est là que j'entendis pour la première fois des chants de Taizé, fort harmonieux d'ailleurs.

Les mardis, il y avait une réunion d'un groupe charismatique.

Je n'y serais allé pour rien au monde car, bien que je ne susse en fait rien d'eux, j'avais beaucoup de prŕjugés négatifs à leur égard.

Or, en septembre 1992, les deux groupes intervertirent leur jour de réunion, de sorte que les réunions oecuméniques se tinrent le mardi, tandis que les charismatiques se retrouvèrent dorénavant le  mercredi.

Des obligations professionnelles m'empêchèrent plusieurs fois de suite de me rendre au lieu de recueillement si bien que, lorsque je fus à nouveau libre, j'avais complètement oublié que les jours avaient été intervertis.

Ce jour-là, j'étais arrivé en avance. Inconscient de mon erreur, je m'étonnais qu'il y ait beaucoup plus de monde que d'habitude. Et tous venaient me saluer ! Ils semblaient bien se connaître, s'embrassaient, bavardaient ensemble. Ce n'était vraiment pas l'ambiance habituelle. Et je m'étonnais aussi du retard apparent des pasteurs et des prêtres habituels.

Et la réunion commenca bientôt sans eux ! Un collègue se placa au milieu de la pièce et lanca "Nous allons louer Jésus. Levons nos mains frères et soeurs !"

Quel choc. Je compris alors la méprise. Ma première pensée fut de me hâter de quitter les lieux mais j'eus peur de blesser ces collègues qui m'avaient gentiment accueilli.

Mais quant à lever les mains comme eux ! Cela me semblait exubérant, déplacé, presque obscène. Pourtant, comme tous les autres le faisaient, j'allais être le seul à me démarquer. Je courais donc le risque d'attirer l'attention sur moi, ce que je ne voulais à aucun prix.

J'ai donc levé moi aussi des bras qui me parurent de plomb. Je les hissai un peu plus haut que mes hanches, ce qui, dans un tel contexte, me paraissait déjà vertigineux.

Il s'est alors passé quelque chose qui m'a rendu très perplexe. Ce lieu de recueillement était une pièce enclavée, sans lumière naturelle. Elle n'avait ni fenêtre, ni ouverture zénithale.

Or, je ressentais de la chaleur entrer par les paumes de mes mains, comme lorsqu'on dirige ses mains vers le soleil.

Je considérais avec étonnement le plafond. Il ne me semblait pas que les petits spots auraient pu dégager une telle chaleur. Et puis, en ce cas, j'aurais dû ressentir cette chaleur aussi sur mon visage. J'étais très perplexe.
Puis, le collègue qui avait dirigé la louange nous invita à nous asseoir pour nous recueillir quelques minutes en silence. Je me sentis immédiatement mieux.

Je fermai donc les yeux et alors, ô surprise, voici que je vis une très belle couleur violette, vive, soutenue et uniforme. A nouveau, je fus décontenancé. Quand je ferme les yeux, d'ordinaire, c'est noir quand il n'y a pas de lumière ou plus ou moins rouge quand il y a de la lumière. En revanche, je n'avais jamais eu un tel écran violet.

Au moment où je rouvris les yeux, une collègue en retard entra dans la salle. Elle était vêtue de violet de pied en cap.

La réunion se poursuivit avec lecture et méditation de passages de la Bible, de sorte que je ne pensai plus à ces bizarreries. Mais voici que l'animateur de la réunion conclut le partage en disant "Et maintenant, entrons dans un temps de prière en silence et, si quelqu'un recoit une parole ou une vision de la part du Seigneur, qu'il la partage."

J'eus le plus grand mal à garder contenance sérieuse. Il me semblait que je n'avais jamais rien entendu d'aussi ridicule. Je quitterais bientôt la réunion plus convaincu que jamais que les charismatiques sont des illuminés.

Je fermai quand même les yeux pour me recueillir quelques instants et voici que, aussitôt, une vision intérieure s'imposa à moi, pour la première fois de ma vie.

Je voyais des nuages très noirs qui défilaient devant un soleil très pâle dont la lumière s'efforcait de percer. Le bord des nuages prenait une couleur caramel à l'approche de ce faible soleil.

Il me faudra six ans pour comprendre la signification de cette vision.

En attendant, je me sentis plus mal que jamais. J'étais secoué de fond en comble. J'avais l'impression que mon âme était nue, à découvert, que les collègues autour de moi pourraient peut-être voir au-dedans de moi comme si j'avais été de verre. Et j'avais l'impression que, au dedans de moi, c'était noir, sale, honteux.

Deux ans plus tard, je racontais cette  expérience à une collègue qui me dit avec assurance que le violet est la couleur associée à l'Esprit saint. Mais elle ne savait pas pourquoi.

L'année suivante, en 1995, je participai à une retraite avec plusieurs collègues. Or, dans les temps de prière, ce furent des écrans bleus que je vis à plusieurs reprises.

Je sus plus tard que le bleu est associé au Père parce qu'Il est révélé comme le Dieu du ciel, par exemple en Daniel 2:28. Or, dans les contrées bibliques, le ciel est habituellement bleu.

Le violet est la couleur que l'on obtient en mélangeant du bleu avec du rouge.

Le rouge fait spontanément penser le chrétien à Jésus tant Il apparaît comme l'agneau de Dieu sacrifié pour ôter les péchés du monde. C'est en Son sang que l'humanité est réconciliée avec son Créateur.

Quand l'Esprit se rend sensible au travers de violet ou de pourpre, Il manifeste qu'Il sanctifie au travers du Père et du Fils. 


A la lumière de cela, la lecture du chapitre 4 du 4ème livre de Moïse, les Nombres, prend une signification spirituelle plus profonde. L'arche devait être couverte d'une toile bleue. Elle contenait les tables de la Loi donnée par le Père à Moïse. Il en allait de même pour la menorah et pour l'autel d'or. Par contre, les plats, les coupes, les tasses et les calices étaient recouverts d'une toile cramoisie, donc rouge vif. Cela fait écho au sacrifice du Fils pour le chrétien. Sur l'autel, verset 13, c'est un drap pourpre, violet, qui devait être étendu.






Du puits au tunnel

C'était un jour de la fin 1972 ou du début 1973. Ma mère, encore si jeune,
était rentrée en France après 10 années d'exil en Algérie.

Avec deux de mes sœurs, Nadine, 7 ans, et Laura, 6 ans,



elle était allé faire quelques courses dans un grand magasin de Paris. Je crois que c'était le Printemps situé alors près de la place de la Nation.

L'un des récits de l'événement qui aurait pu bouleverser nos vies de fond en comble, ce sont mes petites sœurs qui me l'avaient relaté.

Elles avaient vu notre mère tomber à terre, inconsciente. Des vendeuses, alarmées, avaient appelé des pompiers qui, constatant l'arrêt du cœur, avaient procédé à une tentative de défibrillation. Un médecin, qui se trouvait probablement par hasard sur les lieux, avait fini par constater que l'irrémédiable était survenu. Les vendeuses, comprenant, qu'il n'y avait plus rien à faire, se sont approchées de mes sœurs et leur ont dit "Votre maman est morte. Y a-t-il quelqu'un que l'on peut prévenir pour venir vous chercher ?" Bouleversées, mes sœurs n'ont pu répondre que par des sanglots. Et puis, quelques instants plus tard, de façon inattendue, ma mère est revenue à la vie.

L'autre récit, c'est notre mère qui l'a répété de nombreuses fois.

Elle s'était senti devenir plus légère et avait revu défiler les 30 années de sa jeune vie. Puis, elle s'était engagée dans une sorte de long tunnel à l'extrémité duquel elle avait vu poindre puis s'amplifier une vive lumière. Elle s'est retrouvée dans un monde baigné de cette lumière. Elle ne s'était jamais sentie aussi bien. Puis, la lumière lui a parlé. Et elle savait que cette lumière était Dieu: "C'est fini. Tu peux rester si tu veux." Elle ne désirait rien d'autre mais, au moment où elle allait acquiescer, elle se souvint de ses enfants et elle répondit:"Oh non, je ne peux pas laisser mes enfants." La lumière accéda à son désir mais lui dit seulement encore: "Je te préviens, ce sera terrible."

Elle se sentit alors comme comprimée d'une façon terriblement douloureuse, écrasée . Par après, elle avait interprété cette sensation en ce sens que son âme s'était dilatée en quittant le monde matériel mais que, en retournant dans la chair, elle avait dû s'y loger étroitement un peu comme dans une boîte de conserve trop petite pour la contenir.

La première partie de la vie de ma mère n'avait pas été heureuse. Elle avait eu beaucoup de conflits avec sa mère qui était bien trop différente d'elle pour qu'elles puissent se comprendre.


Ensuite, la vie avec mon père avait été un enfer.



La deuxième partie, longue de 25 ans, n'allait pas être beaucoup plus sereine. Tellement blessée dans ses émotions jamais traitées par le seul médecin des âmes, Celui dont parle Esaïe 61:1, elle finit sa vie rongée, au bout de longues années de souffrance, par un cancer qui s'était d'abord déclaré au sein gauche, au-dessus de son cœur. Comme elle a souvent répété, lors de cette douloureuse conclusion de sa vie terrestre, "Il m'avait bien prévenue que ce serait terrible".



Eh bien, si elle était restée au Ciel la première fois, c'est pour nous, ses enfants, que cela aurait été terrible. Notre père, qui n'assumait en rien notre éducation quand ma mère vivait avec lui, l'aurait fait moins encore si elle était déjà partie alors. Il en était tout simplement incapable.

Et nos grands-parents n'auraient pas pu s'occuper de 4 enfants. Nous aurions été dispersés, blessés, brisés. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a eu une sorte d'effet de vases communicants. Si notre mère était partie en 1972, toute la souffrance serait venue sur nous, sous une autre forme. Tandis que, aussi tragique qu'aient été pour nous sa maladie et son départ, il a ouvert au contraire pour nous des bénédictions, des guérisons, des libérations. Nous sommes liés les uns aux autres comme les grains le sont sur la grappe de raisin.

Quelques années plus tard, je fis une expérience similaire. J'avais environ 19 ans. J'étais un jeune étudiant en droit. Je n'allais bien ni physiquement, ni spirituellement. J'étais obsédé par des idées et des envies de mort. J'avais souvent des pertes de conscience, notamment dans des endroits où les conséquences physiques auraient pu être graves, comme une fois juste au moment où je descendais le grand escalier de béton pour accéder à la station de RER de Luxembourg, par exemple.

Au cours d'un weekend, alors que je m'étais allongé pour m'endormir, je ressentis une sensation bizarre. J'ai eu l'impression de bouger. Il n'en était rien, bien sûr, mais c'était comme si le lit se propulsait de plus en plus vite dans un long tunnel. Je me sentais de plus en plus léger à mesure que je progressais dans le tunnel tandis que la vitesse ne cessait d'augmenter. Il devint bientôt évident qu'elle ne correspondait plus à aucun moyen de transport connu. Et alors, la conviction s'imposa à moi que j'étais en train de quitter la Terre, à une vitesse fantastique, que je partais loin dans l'univers ou en dehors de l'univers.

Cette idée m'a effrayé et mon âme s'est cabrée,refusant de poursuivre ce voyage à une vitesse sidérale vers l'inconnu. J'ai alors ressenti une autre impression bizarre, comme un flottement alors que le déplacement vertigineux avait instantanément cessé. C'est alors que j'ai à nouveau récupéré la conscience de mon corps. Je me souviens d'une très désagréable impression de froid et surtout, d'une sensation de "fourmis" partout dans le corps, jusqu'aux tréfonds de l'intérieur. J'étais incapable de bouger quelque membre que ce soit. Tout était raide et froid. En même temps, j'ai vu un court instant toute une foule de gens, en noir et blanc, qui dirigeaient leurs regards sur moi et restaient impassibles.

Ce n'est que beaucoup plus tard que je compris ce qui avait dû se passer. Comme celui de ma mère 8 ans plus tôt, mon cœur avait dû cesser de battre. En conséquence, la circulation du sang s'était arrêtée dans tout mon corps. Puis, sa température avait commencé à descendre. Voici pourquoi j'avais eu cette désagréable impression de froid et cette sensation de fourmis dans tout le corps quand le cœur s'était remis à battre.

Pour nous, hommes et femmes du XXème siècle, le train, le métro et la voiture nous ont habitués aux tunnels. C'est donc la comparaison qui nous vient le plus naturellement quand nous expérimentons ce que je viens de décrire.

Mais, comment des hommes qui avaient vécu à l'époque biblique auraient pu l'appréhender ?

Eh bien, le livre de l'Ecclésiaste nous donne la réponse au chapitre 12.

Les Hébreux couvraient souvent leurs besoins en eau et ceux de leur bétail au moyen de puits qu'ils creusaient dans le sol. Aussi, ceux qui avaient une expérience de mort rapprochée ne pensaient pas qu'ils s'engageaient dans un tunnel mais dans un puits.

Or, et c'est à de telles choses que l'on mesure combien la Bible est d'une insondable profondeur spirituelle, ce qui permet au seau qui descend dans le puits de revenir à la surface, à la lumière du monde physique, c'est la rouelle autour de laquelle coulisse la corde à laquelle est attaché le seau.

Au verset 6 (dans certaines Bibles, verset 8) du chapitre 12 ont lit cette phrase apparemment énigmatique: "avant que la roue du puits ne se brise".

J'en copie plusieurs traductions:
"det søndrede hjul falder ned i brønden" (DA)
"das Rad zerbrochen werde am Born" (DE)
"the wheel broken at the cistern" (EN)
"la rueda sea rota sobre el pozo" (ES)
"la ruota vada in frantumi al pozzo" (IT)
"og hjulet knuses og faller ned i brønnen" (NO)
"het scheprad in de put onklaar raakt" (NL)
"e se quebre ... a nora junto ao poço" (PT)
"şi pînă nu se strică roata dela fîntînă" (RO)
"hjulet slås sönder och faller i brunnen" (SV).

Il y a de menues différences. Les versions scandinaves disent toutes que la roue tombe dans le puits. En tout cas, l'idée reste la même. Sans la roue, il n'y a plus de retour en arrière possible. C'est donc une image très profonde d'un voyage sans retour. Il y avait encore cette roue au-dessus de la vie de ma mère en 1972 et au-dessus de la mienne en 1980.

Tout le passage de l'Ecclésiaste parle, en termes spirituels, de ce qui arrive lors de notre grand voyage sans retour.

Adolescent, j'avais compris, à certaines situations que j'avais vécues autour de moi, que le mal fait par certaines personnes, et je parle de personnes ignorantes des choses spirituelles, retombait ou bien sur eux-mêmes, ou bien sur des gens - ou des animaux - qu'ils aimaient. Et, sans avoir encore une relation très intime avec Dieu, je me souviens que je L'avais pressé de m'expliquer comment, pourquoi. Et j'avais eu une sorte de vision intérieure. J'ai vu qu'il y avait, dans l'invisible, des sortes de fils qui reliaient les êtres entre eux et que le mal pouvait se propager d'une personne à l'autre le long de ces fils.

Quand j'ai lu, plus tard, Ecclésiaste 12:6, "le cordon d'argent qui se détache" s'est lié dans mon esprit à cette image intérieure. Quand nous partons, les amarres qui nous retiennent et lient aux autres se brisent comme ce cordon d'argent.

Puis, ce que Dieu a déposé en nous de Ses dons se brise à son tour, d'où l'image du vase d'or. Alors le souffle de notre vie retourne à Dieu qui l'a donné tandis que notre enveloppe de chair redevient la poussière dont elle s'était composée.

Il n'y a pas de résurrection de la chair comme le professent ceux qui ne lisent pas attentivement 2 Corinthiens 15:50. C'est dans un corps tiré du Kabod de Dieu que nous passerons l'éternité, Dieu voulant (2 Corinthiens 15: 35-49).

Dieu ne se repent pas de ses alliances

Il y a quelques années, la communauté juive de Luxembourg avait aimablement ouvert un dimanche la synagogue de la capitale et en avait organisé la visite. Lorsque nous fûmes dans la grande salle où se réunit l'assemblée, notre guide ouvrit une sorte de grand placard à l'endroit où, dans les églises catholiques, les prêtres ont l'habitude de conserver des hosties dans un calice. Mais ce que je vis me stupéfia et arracha un voile de mes yeux. Il y avait là une collection de rouleaux de livres de la Bible, notamment des livres de Moïse, la Thora. Ces rouleaux étaient habillés de manteaux de velours, certains bleus, d'autres blancs, d'autres émeraude. Le Luxembourg est un des pays les plus aliénés au démon souvent appelé "reine du ciel". On en trouve des statues non seulement dans toutes les églises catholiques du Grand-duché (mais aussi dans celles des régions frontalières qui ont été luxembourgeoises dans le passé). Très souvent, ces idoles sont vêtues de manteaux de velours dont la couleur change au gré des temps liturgiques de l'église romaine.

"Le Verbe s'est fait chair". En voyant les rouleaux de la Thora vêtus de leurs manteaux de velours, quelque chose a crié en moi "mais bien sûr !" Jésus, c'est la Thora qui a pris chair d'homme. C'est dans la synagogue que Son essence est honorée sans être connue alors que, dans les églises romaines, Sa place est usurpée par des substituts abominables.

Tout mes contacts avec le judaïsme ont grandi ma foi. Ce que les Juifs ont rec,u est fascinant. Je me demande s'ils en ont la mesure.

Cet été, je suis retourné à Vienne, en Autriche, et j'y ai visité plusieurs lieux du judaïsme, notamment un musée. Dans une vitrine, il y avait plusieurs couronnes dont les Juifs coiffent les rouleaux. Là encore, cela m'a profondément parlé. Le Verbe fait chair est le Roi des Juifs ... et les Juifs mettent une couronne sur la Thora ! C'est vertigineux.



J'ai aussi acheté à Vienne un livre écrit par un Juif, Jacob Neusner, qui y explique pourquoi, en tant que Juif, il ne peut pas partager la foi des chrétiens. "Ein Rabbi spricht mit Jesus" est pour moi un texte fantastique car, toutes les raisons qu'invoque l'auteur pour refuser de reconnaître en Jésus le Messie sont autant d'arguments qui me sont donnés pour voir encore plus profondément combien Il l'est.

Dans plusieurs passages de son livre, Jacob Neusner se projette 20 siècles plus tôt et imagine qu'il va rencontrer Jésus pour lui poser des questions.

"Meister, wie kannst du für dich selbst sprechen und dich nicht auf der Lehre der Thora berufen, die uns Gott am Sinai gegeben hat ? Es hat den Anschein, als betrachtetest du dich selbst als Mose, oder als über Mose stehend. Die Thora des Mose erwähnt aber nicht, dass ausser Mose und den anderen Propheten noch ein witerer uns Unterweisung - Thora - bringen oder dass es eine weitere Thora geben soll. So weiss ich nun wirklich nicht, was ich von deinem Anspruch halten soll. Du sprichst als "Ich", aber die Thora wendet sich nur an ein "Wir", das sind "wir" vom Volke Israel, zu dem auch du gehörst". Evidemment, nous autres Européens non-juifs imprégnés d'une conception individualistissime du salut, au point que certains chrétiens parlent de Jésus comme de leur Sauveur "personnel", passons à côté de ce dont parle ici Jacob. Mais, pour qui a rec,u la révélation de Jésus comme Messie, la réponse est claire. Jésus peut parler depuis le "Je" qu'est le Père. L'objection de Jacob devient donc une confirmation de notre foi.

Et Jacob d'écrire en conclusion de cette objection: " Nach den Kriterien der Thora hat Jesus etwas beansprucht, das ausser Gott niemandem zusteht." (p. 49)

Jacob écrit plus loin, (p. 53) "Ich will niemanden verletzen, aber ich habe Einwände gegen eine Lehre, die nur mich persönlich meint, nicht aber meine Familie und mein Dorf, kurzum das ewige Israel, das wir hier und jetzt verkörpern".

Je trouve que c'est encore une objection d'une très grande profondeur. Oui, Jésus est bien plus qu'un Sauveur personnel de ma petite personne. Dieu veut effectivement sauver des familles comme on le voit avec l'histoire de Noé, de Loth, de Rahaab et du geôlier de Paul (crois (toi) au Seigneur Jésus et tu seras sauvé toi et ta famille (Actes 16:31)). Dieu veut aussi sauver des villes comme le relate l'histoire de Ninive dans le livre de Jonas. Il veut sauver des nations. Nous avons jeté toutes ces dimensions collectives du salut par dessus bord.

Comme j'aime à lire, p. 55, "Wir leben auch in Gemeinschaft mit anderen. Keiner von uns ist ein "Ich" allein, wir alle sind Teil eines "Wir". Und dieses "Wir" besteht aus Heim und Familie, darüber hinaus aus der Gemeinschaft jenseits unserer vier Wände". Et combien est profonde la question en page 101: "Ist meine Liebe zu Gott schon alles ? Gibt es keine Beziehung von uns allen vor Gott ? Ich kann Gott und meinen Nächsten lieben und trotzdem in Sodom leben. Aber Gott hat Sodom zerstört. Gott geht es folglich nicht um die menschen als Einzelwesen, sondern auch um die Menschen ALS GANZE".

Une autre objection de Jacob m'interpelle par rapport à ce que vivent certains missionnaires: "Es beunruhigt mich zutiefst, dass ich, um Jesus zu folgen, Heim und Familie im Stich lassen soll, während mir die Thora beiden - und der Gemeinschaft -gegenüber doch heilige Pflichten auferlegt hat". Je trouve que Paul répond bien à cette objection en 1 Timothée 5:8. Mais tous les chrétiens n'ont pas bien mémorisé ce verset.

Jacob écrit aussi plus loin, p. 63, "Die Thora, wie sie von anderen später ausgedeutet wurde, lehrt Israel, die Liebe zur Thora in Gestalt des Schriftgelehrten über die Liebe zu Vater und Mutter zu stellen." Donc, il répond excellemment lui-même à son objection. Jésus ne nous demande pas de tourner le dos aux nôtres mais de hiérachiser notre amour. Notre amour pour Dieu doit être premier et débordant et, de Lui, nous pouvons aimer en second lieu tous les nôtres et nos prochains. En développant son argumentation, Jacob finit par conclure sur ce point "Damit ist deutlich, um was es wirklich geht: Die Verehrung der Eltern ist die diesseitige Entsprechung der Verehrung Gottes". Que c'est profond.

Et, à ce point du livre, Jacob se pose déjà la question à laquelle tous les chrétiens ont déjà répondu oui: (p. 70) : "Es mündet in die Frage: "Ist dein Meister denn Gott ?" Denn jetzt ist mir klar, dass das, was Jesus von mir fordert , allein Gott von mir verlangen kann."

J'en viens maintenant au chapitre 4 du livre sur le commandement de la sanctification du Shabbat. Il a parlé au plus profond de mon âme depuis longtemps en recherche sur la signification du Shabbat pour le non-Juif que je suis. Jacob écrit, en page 79, "Wenn wir uns nun bewusst sind, dass wir den Sabbat halten sollen, weil Gott am Sabbat geruht hat, dann sehen wir, dass wir dieses Gebot befolgen sollen, damit wir Gott ähnlich werden". Jamais je n'avais lu que l'enjeu du Shabbat était aussi de ressembler davantage à Dieu. Quelle révélation ! Et Jacob le rapproche de Matthieu 11:28 "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du REPOS". Jacob écrit que, quand il entend ces paroles de Jesus, il pense automatiquement au Shabbat. Il faut bien que ce soit des Juifs qui nous dévoilent de telles choses. Mais bien sûr ! Je n'y aurais jamais pensé !

Jacob écrit un peu plus loin "Beim Sabbat geht es nicht darum, Gutes zu tun oder nicht. Es geht viel mehr um HEILIGKEIT, und heilig sein bedeutet nach der Thora, GOTT ÄHNLICH SEIN." Quand je pense à la morgue de tant de chrétiens pour le prétendu légalisme des Juifs. Quel injuste aveuglement. J'ai encore souligné cette phrase clef, p. 82 "Wenn ihr euch am Sabbat von der Arbeit abkehrt, dann habt ihr Wonne in Gott. So würdigen wir einmal mehr, dass der Sabbat UNSERE, der Juden, ART IST, WONNE IN GOTT zu haben". Quel horizon cette phrase ouvre sur ce qu'est la Shabbat ! Je note encore, p. 85, "Der Sabbat ist die Ankunft von Gottes Reich. Mit Recht verband Jesus die beiden Botschaften: Nehmt mein Joch auf euch, det Menschensohn ist Herr über den Sabbat. Besser hätte er den Punkt nicht treffen können."

Ce qui choque Jacob, aux p. 86 et 87, nous est une évidence: "wenn Jesus uns bedeutet, dass er etwas Grösseres als den Tempel gebe, dann kann er damit nur auf eines hinauswollen: Er und seine Jünger können am Sabbat das tun, was sie tun, weil sie an die Stelle der Priester im Tempel getreten sind: Der heilige Ort hat sich verlagert, er besteht jetzt aus dem Kreis des Meisters und seine Jünger". Il bute alors sur ce dilemme: "Entweder gilt "Gedenke des Sabbats: halte ihn heilig !" oder es gilt "Der Menschensohn ist der Herr über den Sabbat". Aber beides zusammen kann nicht gelten".

Et j'aboutis à ce sommet, page 90, qui produit sur ma foi l'effet d'une bombe: "Mein Joch ist leicht, ich gebe euch Ruhe, der Menschensohn ist wahrhaftig Herr über den Sabbat, denn der Menschensohn ist jetzt der Sabbat Israels ..." Jésus est le Shabbat !!! Son fardeau est léger, Il nous donne du repos, le Fils de l'homme est le maître du Shabbat parce qu'Il est le Shabbat. Honorer le Shabbat, c'est honorer la Parole, c'est honorer le Verbe, c'est honorer jusqu'au Verbe fait chair. Je manque d'adjectifs !

C'est pour moi l'himalaya du livre mais il y a encore beaucoup de hauts sommets. Jacob relève
que Jésus répond à la question qui lui est posée en Matthieu 19:16 "que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ?" par "observe les commandements." C,a par exemple ! Jésus fait un lien entre le salut et l'obéissance à la Loi ! Comme nous glissons sur ce "détail" ! Et Jacob fait ensuite une remarquable exégèse du texte où il distingue entre le salut et la perfection. L'objet de la discussion entre cet homme et Jésus est en effet au-delà de la seule vie éternelle. Il vise quelque chose de plus haut encore, la perfection. Et Jacob écrit justement à cet égard, p. 95, "Angesichts der menschlichen Schwäche kann niemand Vollkommenheit als Preis für das ewige Leben verlangen." Jacob développe "Wie ich dich nun verstehe, genügen die Zehn Gebote nicht, und auch dass Grosse Gebot, die Goldene Regel (= l'amour), nicht. Vollkommenheit besteht in Armut und im Gehorsam gegenüber Christus"..."Jesus will, dass ich ihm nachfolge und bin wie er. Habe ich ein solches Gebot in der Thora vernommen ? Natürlich: "Seid heilig, denn ich der Herr, euer Gott, bin heilig". Die Thora fordert mich auf, ich solle danach streben, zu sein wie Gott: heilig".

Le livre de Jacob est une merveille. Le chrétien comme le juif en ressortent grandis dans leur foi respective. Je termine sur cette phrase émouvante: "Ja, wenn wir auch diskutieren und streiten, so beten wir doch zum selben Gott. Und deshalb werden wir immer streiten und diskutieren, aber stets demselben Gott dienen, indem wir einander lieben, wie Gott uns liebt".

Thank you, Jacob. You have strengthened my faith.

Male and female created He them

So God created man in his own image,
in the image of God created He him ;
male and female created He them.
(Genesis 1 : 29)


I read once a fascinating story. A woman had been counselled for years but remained with the same unsolved identity problem. She would doubt to be herself and each time she would look at herself in a mirror, she would believe to see her twin brother.
Though the sister and the brother looked surprisingly alike, nobody would have doubted that they were heterozygote twins, since they had not the same sex.
However, as no traditional psychological help seemed to have any impact on the sister, a doctor tried to explore possible genetic causes and did her karyotype.
It was not a little surprise to find out that the sister had only 45 chromosomes instead of 46.
She missed one of the two chromosomes of the sexual pair.
Now, the doctor could understand what had happened.
In the mother's womb, the egg had divided into two cells which ought have become two homozygote boys. But, during the first division, one of the two parts lost the Y chromosome, the part that eventually became the sister.

Stunning consequences can be drawn out of that :
1) If a cell has only one sexual X chromosome, the foetus will get a feminine body. That human being will eventually grow up as a woman, though a sterile one. To be able to beget children, a woman would need to have a full pair of two sexual X chromosomes.
2) Since normal men have a XY pair of sexual chromosomes, it means that men have in fact the two sexes in their karyotype. It was indeed easier for God to make Eva out of Adam that it would have been to make Adam out of Eva, though, of course, nothing is impossible to God.
3) The feminine sex is basic in the whole humanity. It is genetically present in both sexes. Males are in a way "females" with that something more that derives from having Adam's Y chromosome.
4) Genetically, the proportion in the humanity is thus not 50 % male and 50 % female but rather 75 % female (XX female + X half male) and 25 % male (Y half male).
5) Clearly, the male Y chromosome is dominant while X is recessive. It means that males are men because masculinity is programmed to dominate their feminine sterile part. It is striking that, in most human groups around the world, there has been some kind of initiatic rites for boys to be admitted and recognized as men. In lots of countries, men would be asked in a way or another to prove that they are males, something which is usually never expected from women. Being a woman is a state while becoming a man has been felt like a test and a conquest all over the world.
This may just be the expression of the tension that exists in all males in whom chromosome Y is holding chromosome X in custody. In other words, there is an internal strain in the masculine sex, an unbalance that has to be kept between two unequal components. Male intrinsic instability may well explain that so many expressions of masculinity have been competitive and violent throughout history. Males tend to transfer their internal struggle onto an external scene.
There are two extreme ways for males to address that strain, both being equally sick.
The first one is the full Y dominant pattern. Feeling jeopardized by their own X part, uncertain males will try to hold iron dominion over all women. Islam is paradigmatic of this nevrose. It is a religion where a man, prophet Muhammad is in fact praised as if he were God himself. Muhammad is Islam's actual god, a figure of a violent man that would reign over a cattle of submitted spouses, a reassuring image for males that have failed to address adequately their internal strain between their Y and their X parts.
The other one is the defeated Y pattern. Y has not felt strong enough to win the battle and has renounced to become a grown-up male. It remains dependent on women the way a little boy is dependant of his mother. Popular Catholicism is paradigmatic of that. That Catholicism true god is the queen of heaven or mother mary. In her arms Jesus is a naked and vulnerable babe, not the adult man that had said to the Father in Gethsemane : "O my Father, if this cup may not pass away from me, except I drink it, Thy will be done."
Against this background, we can understand much more deeply what God means in Genesis 3 : 16 where He tells this to Eva : "and thy desire shall be to thy husband, and he shall rule over thee." The system that a man and a woman build when they are together is much more complex than the Yin and the Yang. The woman is attracted by that something in man that she does not have. Freud has identified it to the penis. But the penis is nothing more than the symbol of all what Y bears. The difference is not essentially physical since male and female organs are made out of the same components just like Lego bricks put into a different order. What attracts women to men is that Y part, masculinity, that they do not have at all in their genes. 
 
Men should find in women their own X sterile part, which God has made alive, attractive and fertile in women. They should feel reassured by this feminity that is external to them and does not jeopardized their masculinity, as their own X part could.
But such a very complex system could only find a lasting stability with a controller, just like computers nowadays control sensitive processes on airports, railway stations and so on. 
In the garden of Eden, the Spirit of God was at work in the first human couple. But as they believed the serpent's lies and as their sin seperated them from God, He could only tell them that the system would not work without Him. Eva's daughters would feel attracted by Adam's sons but would feel frustrated to find only a wounded masculinity in them instead of the blessed one they are thirsting for. And Adam's sons would be so scared by their unresolved X - Y internal strain that they would end up ruling over women in an abusive and destructive way.
Human couples will never fit without God. This is the very curse.
Indeed, as we know, the God of Israel that has taken human flesh in Jesus is among others the way, the truth and the life (John 14 : 6). As Adam and Eva ate of the fruit of the tree of the knowledge of good and evil, their unconfessed disobedience separated them from God and death entered into their bodies. Death would from then on have a devastating impact on the whole humanity, on the whole living creation. Yet, because they give birth, women have been impacted in a lesser degree by the destructive power of the spirit of death than men whose specific culture is almost entirely pervaded by it : violence, fights, wrestlings, riots, rapes, murders, wars and so on. The first murder mentioned in the Bible is perpetrated by a man, Cain, on his own brother Abel.
Therefore, through the life and the very person of Jesus, the Father wants to show us how He has intended true sound masculinity to be.
First, Jesus was unquestionably masculine in His firm and uncompromissing opposition to the Pharisees' religious hypocrisy as well as to the greed of the traders of the Temple.
Second, Jesus was not afraid of women. He would talk openly to the woman of Samaria (John 4) in front of troubled disciples (John 4 : 27). He would even allow a prostitute to touch Him (Luke 7 : 36 - 50) before utterly shocked Pharisees. Jesus proximity to women was not only revolutionary at the time He was in the flesh. Nowadays, Jesus' behaviour would still shock orthodox Jews and religious muslims. Religious males are indeed everywhere afraid of women and get never aware that their fear is rooted in their own unsettled ramshackle masculinity.

Third, Jesus' masculinity is a sensitive and tender one. He knew that Lazarus would resurrect through the power of the Spirit. Yet He cried (John 11 : 35) because He was deeply moved by the two sisters and their friends sorrow. Jesus' tears tell us that the Father did not want death at all. He has been crying over all our sufferings since Abel's death. He has been crying oceans of tears. What a sensitive loving God we have !
Now, many nations throughout the world have been claiming to belong to Christ.
Have they been sufficiently aware that this ought to have implied recognizing that Jesus resolutely opposes war : "all that take the sword shall perish with the sword" (Matthew 26 : 52) and death penalty (John 8: 1 -11) ? Shouldn't so-called Christian nations behave accordingly then ?
Finally, healing men from their covenant with death is at the very core of healing humanity as a whole. The new men that the Father is willing to reshape in Jesus through the action of the Spirit are meant to overflow life onto their spouses and children, thus becoming springs of blessing instead of tools of physical and emotional abuse and death.
Let it be !

Les cardinaux et le shabbat

LES CARDINAUX ET LE SHABBAT



Parmi les diverses catégories de mots qui se retrouvent dans les langues des hommes, les cardinaux occupent une place à part.
La plupart du temps, les cardinaux remontent tous à une même terminologie numérative au sein d'une même famille de langues. Ils sont donc très anciens et stables, même s'ils sont, bien sûr, affectés par les lois phonétiques qui érodent, au cours des âges, l'ensemble des mots d'une même langue. Il arrive aussi fréquemment que les cardinaux conservent des formes casuelles anciennes, éliminées des autres catégories de mots que connaissent les langues qui ont conservées des déclinaisons. Bref, les cardinaux sont des sortes de fossiles. Ils le sont d'autant plus que, à l'origine, ils avaient une signification directement en rapport avec le nombre qu'ils désignent. Le mot devenu "trois" en français remonte à un vocable qui, dans une lointaine langue originelle, évoquait évidemment une association de trois objets. Et il en était ainsi, naturellement, de tous les cardinaux de base. Mais, comme le grand bond pour l'humanité qui a consisté à compter remonte à plusieurs millénaires, au moins six d'après l'ancienneté de l'attestation des cardinaux de certaines langues, cette association ne nous est plus perceptible. Nous en sommes réduits à des conjectures et des suppositions.

Cependant, de même qu'un fossile nous donne des renseignements sur la flore et la faune qui peuplaient la terre dans un lointain passé, les cardinaux peuvent aussi nous permettre d'entrevoir subrepticement quelques éléments du monde dans lequel vivaient les hommes qui ont inventé l'arithmétique.

Les recherches linguistiques des trois derniers siècles ont abouti à la conclusion que la plupart des langues parlées en Europe ainsi que certaines langues parlées en Asie dérivent d'une façon ou d'une autre d'une langue parlée il y a plus de 5 millénaires aux abords de la Mer noire, langue hypothétique que l'on appelle "indo-européen". De même, le déchiffrement de tablettes en alphabet cunéiforme écrites en Mésopotamie à partir du 3ème millénaire avant Jésus-Christ dans une langue que l'on appelle akkadien, atteste que les langues sémitiques telles que l'hébreu, l'araméen et l'arabe dérivent d'une langue-mère parlée et disparue elle aussi avant la période historique au Moyen-Orient.

Ces langues présentent une certaine analogie de structure avec l'égyptien ancien et le berbère, de sorte que les linguistes supposent que, plusieurs millénaires avant Jésus-Christ, les langues sémitiques et les langues chamitiques auraient pu diverger d'une langue "grand-mère" appelée de nos jours plutôt afro-asiatique que chamito-sémitique.

Plus au nord, la parenté des langues parlées sur les rives du Golfe de Finlande est évidente mais les linguistes ont montré qu'elle s'étend aussi au hongrois et à diverses langues parlées dans les plaines russes et jusqu'en Sibérie. Ces idiomes remonteraient à une langue mère appelée finno-ougrienne.

Du fait d'analogie de structures, certains linguistes avancent que cette famille de langues aurait également pour parentes éloignées les langues turques et les langues mongoles, peut-être même le coréen et le japonais. La langue ancestrale hypothétique est appelée ouralo-altaïque.

D'autres linguistes vont plus loin encore et estiment que, à un horizon remontant au moins à 8 millénaires avant Jésus-Christ, les langues indo-européennes, afro-asiatiques et ouralo-altaïques auraient eu une aïeule commune appelée "nostratique". Ils se basent sur les analogies que présenteraient certaines racines. Il est vrai que, lorsque l'on reconstruit la déclinaison et la conjugaison indo-européennes à partir de langues très archaïques comme le sanscrit védique ou le hittite, certaines désinences et terminaisons donnent l'impression d'être des mots agglutinés à la racine, comme dans les langues ouralo-altaïques. On se rend compte aussi que les voyelles de la racine sont soumises à des alternances, encore visibles dans les verbes forts des langues germaniques par exemple, qui ne sont pas sans rappeler le vocalisme des langues sémitiques.

Evidemment, si ces hypothèses linguistiques sont vraies, la situation de polyglossie du monde actuel résulte d'une évolution analogue à ce que relate le début du chapitre 11 de la Genèse.

Pour autant, s'il en est ainsi, il semble que nos aïeux qui auraient parlé cette langue originelle commune à la plupart des langues parlées en Europe, à la moitié de l'Afrique et aux deux tiers de l'Asie, s'ils avaient déjà appris à compter, utilisaient sans doute un système qui a été abandonné ensuite dans les différentes grandes langues mères ultérieures.

En effet, autant il y a, à l'intérieur de chacune des grandes familles de langues, une remarquable parenté des cardinaux fondamentaux, autant ceux-ci paraissent profondément différents d'une famille à l'autre. Tous sauf l'un d'entre eux ! Et l'analogie qui transparaît à cet égard entre les familles est troublante tant pour le linguiste ... que pour le "bibliste".



10

A) Pourquoi commencer par le dernier des cardinaux fondamentaux ? Eh bien, dans les langues indo-européennes, le cardinal qui exprime le chiffre 10 est l'un des rares pour lesquels on peut tenter d'avancer une étymologie.

En latin, le cardinal qui exprime le chiffre 10 est DECem. La plupart des linguistes s'accordent à voir dans la terminaison -EM une forme d'accusatif figée. C'est plausible. A l'origine, les cardinaux ont servi vraisemblablement à dénombrer d'abord des animaux et des choses. En ce cas, les cardinaux introduisaient la plupart du temps des substantifs en position d'objet direct. Une autre possibilité serait d'y voir le reste d'un suffixe d'appartenance, le même qui a servi à former les ordinaux en latin. Le sens serait alors "qui se rapporte à "dec".
La racine du cardinal latin est donc DEC- dont l'armature consonantique peut être notée DK.

On peut se risquer à rapprocher cette racine du mot DIGitus, "le doigt". Il est possible que, à l'origine, le mot indo-européen ancêtre de "decem" ait représenté l'ensemble des doigts. Il est tentant aussi de rapprocher "decem" du verbe DICere, "dire". Peut-être que la racine signifiait originellement "indiquer", ce que l'on fait naturellement en pointant un doigt dans la direction de l'objet désigné. C'est d'ailleurs la signification du verbe allemand ZEIGen qui, selon les lois phonétiques propres aux langues germaniques, remonte à une racine consonantique TG correspondant à la racine DK de "decem".

Les descendants de "decem" sont le sarde "deghe" et l'italien "dieci". Le roumain "zece" paraît un peu plus éloigné mais à l'occlusive sonore dentale initiale du latin correspond régulièrement une fricative sonore dentale: D Z.
De "decem" sont également issus le provençal "detz", le français "dix", le catalan "deu", l'espagnol "diez" et le portugais "dez".

Le mot grec est très proche: DEKa. Les linguistes expliquent le -A final par la vocalisation d'un -M voyelle, le mot grec originel aurait donc été DEKM. On peut le rapprocher du mot "doigt": "DAKtylo".

Encore relativement proche est le mot sanscrit DAŚa. Comme dans le cas du grec, le -A final résulterait de l'évolution d'un ancien -M voyelle. Le mot indo-iranien originel aurait été DAKM. Le cardinal en persan avestique était "dasa". Le mot persan actuel (farsi) est DAH.

Le mot gaulois est connu: DECam. On le rapproche sans peine du breton et du cornique "dek" ainsi que du gallois "deg". Langue cousine, le gaélique d'Irlande a "deich".

Le mot slavon est DESęti. Le remplacement du son "K" par un "S" résulte d'une loi phonétique souvent vérifiée en slave. Le "-TI" final paraît être un suffixe.
Le polonais "dziesięć" en reste proche, de même que le russe "dyesyat'" tandis que "deset" est commun au tchèque, au bulgare et aux autres langues yougoslaves.

L'amuïssement du son "K" s'est également produit en baltique où l'on a le lituanien "dešimt" et le letton "desmit". Le "-M" reste bien apparent et on note aussi l'ajout du même suffixe qu'en slave.

L'albanais "dhjetë" présente lui aussi ce suffixe analogue à celui ajouté en slave et en baltique.

A cause de la première mutation consonantique, la ressemblance du germanique est moins manifeste. Mais, dès que l'on sait qu'à un "D" indo-européen correspond habituellement un "T" en germanique, la parenté du latin "decem" et du néerlandais "tien" devient plus apparente. Le mot gothique "taihun" montre que le "K" central est devenu une spirante, puis qu'il a disparu dans les autres langues: anglais "ten", suédois "tio", islandais "tiu", danois et norvégien "ti".

Du fait de la deuxième mutation consonantique intervenue seulement en Germanie centrale et méridionale, le "T" initial devient une affriquée "TS" dans ces régions: allemand "zehn", luxembourgeois "zéng", suisse allemand "zäh". Pour des raisons historiquement différentes, cette évolution a eu lieu aussi en frison: "tsien" (à rapprocher du néerlandais "tien").

B) Si l'on quitte l'indo-européen pour le finno-ougrien, on est frappé par le mot hongrois "tíz" qui n'a pas de parent dans les langues soeurs. En fait, il semble bien que les cardinaux de base en finno-ougrien aillent seulement de 1 à 7. Au-delà, les différentes langues ont visiblement dû innover. Dans le cas du hongrois, il est possible que "tíz" soit un emprunt déformé au slave.

Le mot finnois est "kymmenen". Il est commun à toutes les langues soeurs autour du Golfe de Finlande: l'estonien "kümme", le live "kim", le vepse "kümne", l'ingrien "kümmenän".

Manifestement, le mot correspondant dans les langues turques "on", n'est apparenté ni au finnois, ni à l'ougrien.

C) En ce qui concerne le sémitique, l'akkadien EŠER nous livre l'un des noms de cardinaux les plus antiquement attestés. On le rapprochera de l'arabe "εašara", du maltais "għaxra", de l'hébreu "εeser", de l'araméen "εasra" et du syriaque "εešra".

Le berbère a beaucoup emprunté au sémitique. C'est ainsi que le kabyle "εecra" vient certainement de l'arabe. Mais des langues plus archaïsantes ont des mots tout à fait différents comme le tamazeq (touareg)"meraw" ou le guanche (langue berbère jadis parlée dans les îles Canaries) "marava". Le copte issu de l'égyptien ancien avait "met" qui provient d'une autre racine.






9

A) En latin, le chiffre 9 est NOVem. On reconnaît la terminaison déjà rencontrée avec "decem". L'armature consonantique peut être notée NW. Il est tentant de rapprocher ce mot de la racine de l'adjectif "novus", "nouveau" mais comme il est difficile de forger une explication étymologique, l'analogie est peut-être fortuite. Un linguiste, J.S. SHELDON a toutefois suggéré dans un article intitulé "Proto-Indo-European Arithmetic"que, à l'origine, le système de numération aurait pu être basé sur tous les doigts sauf les pouces, moyennant quoi, lors du passage au décompte décimal, il aurait fallu employer un nouveau mot pour le cardinal suivant 8.

De "novem" descendent l'italien, le portugais et le sarde "nove", le provençal et le catalan "nou", le roumain "nouă", l'espagnol "nueve" et le français "neuf".

Le mot grec est ENNEa. Sa parenté avec le latin devient plus évidente lorsque l'on considère l'un des rares mots grecs mycéniens qui nous soient connus par des documents remontant au deuxième millénaire avant Jésus-Christ: ENNEWO. Il est clair que la sonante "W" a disparu ultérieurement du grec.

Le sanscrit NAVa pourrait remonter à un ancien NAVM avec vocalisation du - M final. Le mot avestique identique "nava" est devenu en farsi contemporain "noh".

Le celtique est proche de ces langues avec le breton "nav" ainsi que le cornique et le gallois "naw", sans oublier le gaélique d'Irlande "naoi".

Le slave fait un peu difficulté. Soit il utilise un mot différent des autres langues indo-européennes, soit une allitération avec le cardinal 10 a entraîné la substitution d'un "D" au "N" initial attendu.
Au slavon DEVęti correspondent le polonais "dziewięć", le russe "dyevyat'" et "devet" commun au tchèque, au bulgare et aux autres langues yougoslaves. On peut aussi y rattacher le lituanien "devyni" et le letton "deviņi", qui utilisent la même racine modifiée mais pas le suffixe -TI.

Visiblement, l'albanais "nëntë" recourt audit suffixe mais la racine reste celle employée par le latin et le grec. L'analogie apparente avec un mot lycien qui a pu signifier 9, "nuntata", est intéressante. La mystérieuse langue albanaise pourrait avoir eu des connexions lointaines avec des langues anatoliennes.

Le germanique n'est pas très éloigné des langues antiques. Le -M final s'est régulièrement amuï en -N. On le trouvait dans le gothique "niun". Il subsiste dans l'allemand "neun" et dans l'anglais "nine". Elle est mouillée dans le francique luxembourgeois "néng". La présence d'une gutturale médiane dans le néerlandais "negen" et dans le frison "njoggen" paraît être un substitut à la sonante originelle "W". Enfin, les langues nordiques ont éliminé la nasale finale: suédois "nio", islandais "níu", danois et norvégien "ni".

B) Le mot hongrois "kilenc" n'est pas un emprunt aux langues indo-européennes. Il n'est pas non plus apparenté aux cardinaux des langues fenniques qui semblent avoir signifié à l'origine "un de moins", c'est à dire "un ôté de dix": finnois "yhdeksän", ingrien "üheksän", vepse "ühesa", estonien "üheksa".

Le mot turc "dokuz" ne présente aucune sorte de parenté avec les mots finno-ougriens équivalents.

C) En akkadien, 9 se disait TIŠE. Ses équivalents arabe: "tisεa", maltais "disgħa", hébreu "teša", araméen "tešεa" et syriaque "εiča" sont restés proches.
Le kabyle "tesεa" est emprunté au sémitique comme sans doute aussi le mot tamazeq "tezih". Le guanche utilisait une formulation qui rappelle le finnois, "aldamarava".

Enfin, le copte "psis" n'a aucune parenté avec l'un de ces mots.




8

A) 8 se disait en latin OCTo. La terminaison -O intrigue en ce qu'elle s'intercale entre 3 cardinaux qui se terminent en -M. Le linguiste J. S. SHELDON suggère d'y voir un duel en ce sens que "octo" désignerait un deuxième groupe de quatre doigts dans un système de numération qui aurait été originellement basé sur des comptes de quatre en quatre. En fait, il est aussi possible que les phalanges des quatre doigts aient servi de table de 12 et que les 8 doigts aient donc valu 24. En ce cas, "octo" aurait peut-être voulu dire deux tables digitales de calcul.
Une autre possibilité serait d'y voir la contraction du suffixe -AV qui sert à former l'ordinal. Le sens aurait été "ce qui se rapporte à oct".
L'armature consonantique de ce mot peut être notée KT.

Octo est devenu en italien et en sarde "otto", "oito" en portugais", "ocho" en espagnol et "opt" en roumain. La distance s'est creusée avec le français "huit" (où le "h" n'est pas étymologique), le catalan "vuit" et plus encore avec le provençal "vuech".

Le mot grec est OKTo.

Le sanscrit AŞŢau s'explique par le vocalisme propre à cette langue où le "O" bref indo-européen est régulièrement remplacé par un "A". De même les occlusives vélaires indo-européennes sont souvent devenues des affriquées ou des spirantes, ce qui explique le "Ş" à la place du "K".
Le persan avestique, très proche, était "asta", devenu "hašt" en farsi.

L'occlusive vélaire est devenue une fricative en celtique goïdélique, d'où l'irlandais "ocht". Elle a, en revanche, disparu en brittonique: gallois "wyth", cornique "eth", breton "eizh".

Le slavon OSmi s'explique, comme en indo-iranien, par la mutation du "K", la dentale ayant disparu. La terminaison en -M s'explique par l'analogie avec les autres cardinaux de valeur voisine. Les différentes langues slaves modernes sont proches: polonais "osiem", russe "vosyem'", ukrainien "visim", tchèque "osm", bulgare, slovaque et slovène "osem", serbo-croate "osam".

Les langues baltes sont plus proches encore de l'indo-iranien: lituanien "aštuoni", letton "astoni". Comme en slave, la terminaison en -N s'explique par l'analogie avec d'autres cardinaux.

L'albanais tetë paraît n'avoir conservé que la fin de la racine à laquelle l'analogie a ajouté la terminaison -të figurant uniformément après tous les cardinaux à partir de 6. A nouveau, on relèvera un troublant air de famille avec le lycien "aitata".

Le germanique reste encore assez proche du mot originel. Dans les langues nordiques, le "K" s'est assimilé à la dentale qui le suit: suédois "åtta", norvégien "åtte", danois "otte", islandais "átta".
Ailleurs, l'occlusive vélaire est devenue fricative: gothique "ahtau", frison, allemand et néerlandais "acht". La voyelle s'allonge en francique luxembourgeois "aacht". Elle n'est plus prononcée dans l'anglais "eight".

B) Le mot hongrois "nyolc" n'a pas non plus été emprunté à des langues indo-européennes. Il semble être ougrien si on le rapproche du vogoul "nyololov".
En revanche, comme dans le cas de 9, les langues fenniques utilisent un mot qui a dû signifier "deux de moins" que 10: finnois "kahdeksan", ingrien "kaheksan", vepse "kahesa", estonien "kaheksa". Les ancêtres de ces peuples ont probablement dû compter, à l'origine, selon une base 7.

Le mot turc "sekiz" est tout à fait étranger à ses équivalents finno-ougriens.

C) En akkadien, le mot 8 se disait SAMANE. La parenté avec l'arabe "θamaniyah", le maltais "tmienja", l'hébreu "šmone", l'araméen "tmonya" et le syriaque "tmania" ne se dément pas.

Le kabyle a emprunté à l'arabe: "tmanya" mais les cardinaux d'autres langues berbères dérivent de la même racine: tamazeq "taman", guanche "tamatti". Même le copte "šmoun" pourrait y être apparenté.



1

A) S'agissant du premier cardinal, la situation est hétérogène parmi les langues indo-européennes. C'est sans doute que, à l'origine, on ne ressentait la nécessité de compter qu'en présence de plusieurs animaux ou objets. De ce fait, l'introduction de 1 dans la numération a dû être tardive, ce qui explique qu'elle a fait appel à des mots différents d'une branche de langues à l'autre.

Le latin UNus vient d'un adjectif qui signifiait "unique, seul". Son proche parent osque UINus permet de supposer une armature consonantique WN.

Le grec moderne ENas est dérivé du cardinal 11. En grec ancien, on recourait au mot "heis" dont le féminin "mia" trahit qu'il s'agissait de la survivance d'un terme que l'évolution phonétique du grec avait rendu méconnaissable. Le grec mycénien "eme" (en fait sans doute "heme"), fait supposer un ancien adjectif "sems", de féminin "smia", dont la racine pourrait se retrouver dans la première syllabe de mots latins tels que "simplex" ou "singulus" ou encore dans l'anglais "some" ou le nordique "som". Mais la face d'un dé représentant le nombre 1 s'appelait "OINE" dans la Grèce antique, ce qui est remarquablement proche du cardinal osque.

Le sanscrit EKa rappelle l'anglais "each", chaque. L'avestique utilisait le mot très différent "aevas" qui pourrait être apparenté à l'adjectif grec "oios" lequel signifiait "unique". En farsi, 1 se dit "yak", mot manifestement apparenté au cardinal correspondant du sanscrit.

En revanche, le celtique était proche du latin comme le montrent l'irlandais "aon", le breton "unan", le cornique "onan" et le gallois "un".

Le slavon "jedinu" dérive d'une racine contenue dans des mots signifiant "chaque" dans les langues germaniques continentales, par exemple l'allemand "jeder". Mais c'est dans le mot qui signifie "il/elle" dans presque toutes les langues slaves sauf le bulgare que l'on retrouve la racine employée en latin: ON. On relèvera aussi que le slovène, souvent archaïsant, a pour premier cardinal ENa.

A la différence des langues slaves, les langues baltes utilisent clairement l'armature consonantique WN apparente en osque: lituanien "vienas" et letton "viens".

L'albanais "një" dérive sans doute du même mot que celui qui est devenu "mia" en grec.

Enfin, le germanique est proche de l'italique et du celtique mais il a dû perdre de bonne heure le "W" initial: allemand "eins", luxembourgeois "eent", néerlandais "een", langues nordiques "en" et "einn" islandais, frison "ien". Curieusement, l'anglais "one" a fini par rétablir la sonante initiale disparue.

B) Le mot hongrois "egy" comporte une dentale mouillée que l'orthographe traditionnelle occulte. En apparence, le cardinal des langues fenniques est différent: finnois "yksi", ingrien et estonien "üks", vepse "üs'". Toutefois, les formes fléchies font réapparaître un "D", comme le génitif finnois "yhden". Il est donc possible que le cardinal repose sur une même lointaine racine commune en hongrois et dans les langues fenniques.

En revanche, le mot turc "bir" ne leur est manifestement pas apparenté.

C) L'akkadien IŠTENE n'utilise pas la même racine que les langues sémitiques plus récentes. L'arabe "waħid" et le maltais "wieħed" présentent une sonante initiale disparue de l'hébreu "aħat", de l'araméen "aħad" et du syriaque "ħa".

Le kabyle "yiwen" dérive d'une racine différente commune avec le tamazeq "iyen" mais distincte du guanche "nait". Sauf à se rattacher à la syllabe initiale de l'arabe, le copte "wa" représente sans doute encore une autre racine.




2

A) La situation est beaucoup plus homogène avec le second cardinal. Il est en latin DUo dont l'armature consonantique est DW. Le cardinal est attesté dans d'autres langues italiques antiques: osque "dus" et ombrien "tuf". Dans les langues romanes, le sarde est proche de l'original dont il garde intacte la forme à l'accusatif masculin "duos". L'espagnol, le catalan et le provençal en sont encore assez proches: "dos", tandis que l'italien dérive plutôt du nominatif: "due". Le portugais "dois" et le roumain "doi" se sont davantage éloignés et plus encore le français "deux".

Le grec DYo est très proche du cardinal latin.

Le sanscrit DVa montre bien l'armature consonantique "DW". La consonne initiale de l'avestique "bae" s'explique par la fusion de l'occlusive dentale "d" et de la sonante labiale "v" en une occlusive labiale. Le mot farsi "do" découle d'un dialecte persan qui était resté plus proche du sanscrit que l'avestique.

Le slave est très proche du sanscrit: polonais "dwa", autres langues "dva".

Les langues baltes divergent quelque peu entre elles: lituanien "du", letton "divi". L'albanais "dy" est assez similaire au lituanien tout en rappelant le vocalisme du grec ancien. Le cardinal lycien paraît avoir été "tuwa".

Le celtique est resté proche du mot indo-européen originel: breton "daou", cornique "dew", gallois "dau", irlandais "dó".

Une fois de plus, la parenté du germanique est obscurcie par la première mutation consonantique qui a transformé le "D" initial en "T". Ceci pris en compte, les cardinaux germaniques restent proches de leurs cousins indo-européens: anglais "two", néerlandais "twee", frison "twa", suédois "två", islandais "tveir", danois et norvégien "to". La seconde mutation consonantique a éloigné un peu plus l'allemand: "zwei" (et "zwo") et le francique luxembourgeois "zwéi/zwou".

B) Le hongrois "kettö" présente un suffixe "-tö" de même que les langues fenniques (finnois "kaksi", ingrien et estonien "kaks", vepse "kaks'") un suffixe "-ksi". Une fois ces suffixes ôtés, les racines ougriennes et fenniques paraissent d'autant plus proches que, à des formes fléchies, une dentale réapparaît en fennique (par exemple, génitif finnois "kahden").

Une parenté avec le turc "iki" paraît peu vraisemblable.

C) La racine du terme akkadien ŠENA transparaît encore quelque peu dans l'arabe "iθnan" et dans le maltais "tnejn". En revanche, ce n'est pas le cas de l'hébreu "štayi" (mais bien de son féminin), ni de l'araméen "itr" et du syriaque "trae".

Le kabyle "sin" est visiblement parent du tamazeq "senat". Le guanche "smetti" leur est vraisemblablement apparenté, ce qui devient assez convainquant quand on retire le suffixe "-tti" qui est apposé à tous ses numéraux. Le copte "šešnawna" semble très différent mais il proviendrait de l'évolution d'un mot égyptien antique commençant par "sin-", ce qui rend la parenté avec le berbère plausible.



3

A) Le troisième cardinal est également un mot dont l'origine commune en indo-européen ne fait pas difficulté. Le latin TRes repose sur une armature consonantique TR héritée de la langue mère. L'osque "tris" était très voisin du latin. "Tres" s'est conservé en portugais, en espagnol, en catalan et en provençal. L'italien l'a simplifié en "tre". Le roumain "trei" et surtout le français "trois" s'en sont davantage éloignés.

Le grec TRies, le sanscrit TRayas et l'avestique THRaya sont d'évidents parents du cardinal latin. En revanche, le "se" du farsi et du tadjik ne paraît pas d'origine indo-européenne.

Le slavon TRije est, quant à lui, bien de la famille. 3 se dit "tri" dans toutes les langues slaves, le polonais "trzy" et le tchèque "tři" n'en étant que des variantes caractérisées par la forte mouillure du "R".

Toujours plus conservatrices, les langues baltes conservent la désinence originelle: lituanien "trys" et letton "tris".

L'albanais "tre" n'appelle pas de commentaire. Le cardinal lycien paraît avoir été "tri", de même que la racine hittite correspondante (les tablettes cunéiformes hittites ne notaient pas les désinences).

Le cardinal gaulois TReis nous est connu. 3 se dit "tri" dans toutes les langues celtes contemporaines.

La parenté des langues nordiques est évidente: "tre" auquel on ajoutera le frison "trije". Toutefois, la première mutation consonantique a affecté l'islandais "þrír" ainsi que l'anglais "three". Dans le germanique continental, la dentale initiale est devenue sonore: néerlandais "drie", allemand "drei", francique luxembourgeois "dräi".

B) Le hongrois "három" gagne à être rapproché du vogoul "xurum" (le "x" notant la fricative vélaire sourde de l'espagnol "Juan"). On voit ainsi l'évidente parenté avec le finnois et l'ingrien "kolme", le vepse "koume" et l'estonien "kolm". Le mot originel avait probablement l'armature consonantique KLM gardée par les langues fenniques.

En revanche, on ne voit guère de similitude avec le turc "üç".

C) Le mot akkadien ŠALAŠ est remarquablement similaire à l'hébreu "šaloš". On perçoit cependant la même racine dans l'arabe "θalaθah", le maltais "tlieta", l'araméen "tlota" et le syriaque "tlaθa".

Le kabyle "tlata" est un évident emprunt au sémitique. Les autres langues chamitiques ne paraissent rien avoir en commun: tamazeq "karadh", guanche "amelotti", copte: "šomenti".




4

A) 4 se disait en latin QUATTUOR. L'armature consonantique était KwTWR. En osque, la labio-vélaire initiale s'est simplifiée en une occlusive labiale: "petora". Cela s'est produit dans un très grand nombre de langues, comme on le verra, notamment en roumain "patru" et en sarde "battor". Quattuor se retrouve à peu de choses près dans l'italien "quattro", l'espagnol "cuatro" et le portugais "quatro". Le cardinal a été simplifié davantage en catalan, en provençal et en français: "quatre".

Des inscriptions mycéniennes permettent de supposer que 4 se disait probablement "qwetor" ou "qwetro" dans la Crête archaïque. Par la suite, le grec a éliminé la labio-vélaire à laquelle il a substitué non pas une occlusive labiale mais une occlusive dentale, ce qui est étonnant: "tettares". En démotique, ce mot est devenu "tessera".

Le lycien paraît avoir emprunté au grec: "teteri". La racine hittite, énigmatiquement, paraît avoir été très différente: "meyu-". D'où pouvait provenir ce mot et pourquoi le hittite n'avait pas le même terme que les autres langues indo-européennes ? "KwTWR" est-il un cardinal récent, postérieur à la séparation entre le hittite et l'indo-européen commun ?

L'indo-iranien a éliminé précocement la labiale, ne gardant qu'une occlusive vélaire qui, par la suite est devenu une affriquée. C'est ainsi que s'expliquent le sanscrit "CATVARas" et l'avestique"ČATHWARo". Le farsi "čahar" et le tadjik "čor" en découlent.

Les langues baltes ont suivi une évolution comparable: au archaïsant lituanien "KETURi" correspond le letton "ČETRi".

Le slave est très proche. A partir du slavon "ČETYRe", on retrouve presque à l'identique le russe "četyre", l'ukrainien "čotyry", le bulgare et le serbo-croate "četiri". Sous l'effet de l'accentuation sur la voyelle pénultième, le polonais "cztery" et le tchèque "čtiři" sont devenus des dissyllabes tandis que l'affriquée s'est amuïe en simple chuintante en slovaque: "štyri" et en slovène "štiri".

L'albanais a subi une évolution comparable au lituanien: "KATËR".

La situation en celtique est plus compliquée. Comme le lituanien, le gaélique a éliminé l'élément labial et gardé l'élément occlusif vélaire: irlandais "ceathair". Par contre, le groupe brittonique a fusionné la labio-vélaire en une occlusive labiale: gallois "pedwar", cornique "peswar", breton "pevar".

La situation du germanique doit s'expliquer à partir du celtique brittonique. En effet, la première mutation consonantique a transformé les "P" en "F" comme le montre le rapprochement entre le mot latin "pater" et le mot anglais "father". C'est ainsi que, à partir du gothique "FIDWOR" (comparer avec le gallois "pedwar"), on comprend que les autres langues germaniques ont perdu la dentale médiane: suédois "fyra", danois et norvégien "fire", anglais "four", allemand et néerlandais "vier", francique luxembourgeois "véier". Le frison est un peu plus archaïque "fjouwer". On notera aussi l'islandais "fjórir" qui en est proche.

Le linguiste J.S. SHELDON avance que le mot signifiant 4 en indo-européen pourrait commencer par la particule copulative ("-que" en latin comme dans "patres filiosque", les pères et les fils). Il suppose que, à l'origine, on avait peut-être eu l'habitude de compter par paires: deux et trois, quatre et cinq (duwo treyesqwe, twores penqwe ...). Mais, au fil du temps, cette habitude initiale ne s'est plus maintenue et la particule n'a plus été comprise comme un élément copulatif. Elle a été détachée à tort du mot trois et raccordée au mot quatre qui suivait. Cette hypothèse est argumentée par le fait que l'ordinal "quatrième" connaît une forme "turiya" en sanscrit à côté de "caturtha" et que turiya est le seul ordinal connu en avestique. Or, "-ca" est la particule copulative en sanscrit qui résulte de l'évolution dans cette langue du "qwe" indo-européen. Il cite aussi des mots grecs qui comportent le cardinal 4 préfixé mais sans la syllabe initiale. Le mot "trapeza", "table", étaie la conviction car il s'agit visiblement d'un mot qui signifie "quatre pieds".

B) Le hongrois "négy" se termine par une dentale mouillée. Le vogoul "nila" et le mordve "nile" se terminent par une liquide. Mais le komi a une liquide mouillée "nyol'". Il est donc possible que le hongrois vienne de "nél'"*. En ce cas, la parenté avec les langues fenniques devient manifeste: finnois et ingrien "neljä, vepse "nel'", estonien "neli".

En revanche, aucune sorte d'analogie avec le turc "dört".

C) Le cardinal akkadien ERBE est évidemment apparenté à l'hébreu "εarba", au maltais "erbgħa", à l'arabe "εarba'ah", à l'araméen "arpa" et au syriaque "arb'a".

Le kabyle est emprunté au sémitique "rebεa". La parenté des termes des autres langues chamitiques n'est pas évidente: tamazeq "kuz", guanche "acodatti". Si l'on retire le suffixe-tti, il reste une racine "acoda" qui pourrait dériver d'un "akuda"* hypothétique auquel on pourrait alors rattacher aussi "kuz". Le copte "ftow" relève en tout cas manifestement d'une terminologie numérale distincte.

5

A) Le cardinal latin était QUINQUE. Plus encore que dans le cas de la première syllabe de "quattuor", on est frappé par l'analogie de la deuxième syllabe avec la particule copulative. L'armature consonantique était KwNKw.
L'osque paraît avoir été "pompe" et l'ombrien "pumpe". Il est manifeste que la labiovélaire du latin a été fusionnée en une simple labiale sourde aux deux syllabes.

En règle générale, les langues romanes ne présentent aucune trace de l'élément labial à l'initiale, ce qui permet de supposer que le cardinal s'est précocement prononcé "kinqwe" dans la Rome antique. C'est ainsi que le sarde "chimbe" n'a fusionné la labio-vélaire qu'en finale. Si elle avait subsisté à l'initiale, on se serait attendu plutôt à "bimbe". A cet égard, c'est l'italien "cinque" qui reste le plus proche du latin. Les autres langues romanes ont perdu également la labio-vélaire finale: portugais et espagnol "cinco", catalan et provençal "cinc" (et français écrit "cinq"), roumain "cinci".

Le celtique, à nouveau, se présente de façon hétérogène. La branche goidélique se montre sous un jour analogue au latin. En effet, le vieil irlandais "cóic" devenu aujourd'hui "cúig" se caractérise par un élément occlusif vélaire dans chaque syllabe. Par contre, le brittonique n'a que des occlusives labiales, comme l'osque et l'ombrien: breton "pemp", cornique "pymp", gallois "pump". Comme la particule copulative est attestée sous la forme "-pe" en gaulois, on peut supposer que la forme brittonique du cardinal résulte de la mutation uniforme des labiovélaires "Kw" en "P". Mais certains linguistes prétendent que la première syllabe comportait une labiale en indo-européen et que la labiovélaire initiale du latin (et du goïdélique) serait une innovation due à l'analogie avec la syllabe finale.

Dans un cas comme dans l'autre, le cardinal germanique se comprend mieux à partir du celtique brittonique. Si l'on part du cornique "pymp" et que l'on se souvient que la première mutation consonantique germanique substitue le plus souvent "F" à "P", on ne s'étonne pas du gothique "fimf", de l'allemand "fünf" et du francique luxembourgeois "fënnef". Les langues nordiques ont perdu la labiale finale: danois, norvégien, suédois "fem", islandais "fimm". Les langues westiques autres que l'allemand ont perdu la nasale: néerlandais "vijf", frison "fiif", anglais "five".

En grec, la particule copulative était devenue "-TE". Le fait que le cardinal 5 se disait "pente" tend à accréditer le fait que la seconde syllabe est bien ladite particule. Le fait se vérifie également en sanscrit où la particule était "-CA". Or le cardinal 5 se disait "pañca", tant en sanscrit qu'en avestique. Le mot farsi actuel "panj" en reste proche.

Le slave dériverait plutôt du grec. Le slavon "PĘTI", avec sa voyelle nasale, démontre que le polonais "pięć" est très conservateur. Toutes les langues yougoslaves et le tchèque ont simplifié le cardinal en "pet" (avec voyelle plus ouverte dans le slovaque "pät". Les langues slaves orientales se caractérisent par la mouillure des consonnes: russe et ukrainien "pyat").

Le balte rappelle davantage le sanscrit en ce que l'élément labial de la consonne de la deuxième syllabe a disparu, ne laissant subsister qu'une vélaire: lituanien "penki" (amuï en "pieci" en letton).

Il est plus difficile d'entrevoir comment l'albanais a abouti à "pesë", forme très érodée du cardinal indo-européen original.

Si la deuxième syllabe du cardinal indo-européen est bien la particule copulative, que voulait dire la première syllabe ? Eh bien, il me semble défendable de supposer que nous sommes en présence d'un mot qui, à l'origine, voulait dire "main". Il est très vraisemblable que, comme les enfants, les anciens locuteurs de l'indo-européen originel se soient aidés de leurs doigts pour compter. Lorsqu'ils arrivaient à cinq, ils avaient utilisé tous les doigts d'une main, de sorte que "penkwe" pourrait avoir signifié "et la main". En ce cas, la syllabe "pen" initiale pourrait être rapprochée de la racine de termes signifiant "saisir", "attraper", "fixer", "mettre" tels que le latin "pangere" et l'allemand "fangen" (cf. aussi "finger", le doigt, c'est à dire "ce qui saisit"). Par la suite, le mot aurait été tellement associé au chiffre 5, que les différentes branches issues de l'indo-européen ont utilisé des racines différentes pour désigner la main, ce qui expliquerait la surprenante hétérogénéité de ce mot entre les différentes branches de langues indo-européennes.

B) Le cardinal hongrois "öt" est proche de son équivalent vogoul "at". Toutefois, plusieurs langues apparentées, tout en présentant une finale en dentale, commencent par un "v-" qui a pu disparaître en hongrois: komi "vit", votyak "vit'". On voit alors nettement l'identité avec les langues fenniques: finnois "viisi", ingrien "viz", estonien 'viis" où une dentale réapparaît dans certaines formes fléchies (finnois "viiden).

Par exception, le turc "bes" est peut-être apparenté au mot finno-ougrien. Il faudrait supposer un lien entre la fricative labiale fennique et l'occlusive labiale turque ainsi qu'un amuïssement de l'occlusive dentale finale conservée en ougrien. C'est possible mais pas nécessairement probable.

C) Le cardinal akkadien "ĦAMIŠ" est proche cousin du cardinal 5 dans les principales langues sémitiques. hébreu "ħameš", araméen et syriaque "ħamša", arabe "ħamsah", maltais "ħamsah". Le kabyle "xemsa" est emprunté au sémitique. Toutefois, le tamazeq "sammus" et le guanche "SIMUSetti" permettent de penser que le cardinal berbère a une origine commune avec le cardinal sémitique, la gutturale de ce dernier ayant été remplacée par une dentale spirante. En revanche, le copte "tiw" relève manifestement d'une terminologie distincte.

6

A) Le cardinal est en latin "SEX". Le sarde "ses" garde la voyelle originelle, laquelle s'est fermée en catalan "sis" et en français "six". D'autres langues romanes ont développé une diphtongue: provençal "sieis", espagnol et portugais "seis". En roumain, l'initiale est devenue chuintante: "șase" tandis que l'italien a perdu la consonne finale "sei".

Le germanique est proche de l'italique. Les langues scandinaves ont le même mot que le latin écrit "sex" en suédois et en islandais, "seks" en danois et en norvégien. La voyelle s'est fermée en anglais "six" tandis que la sifflante initiale est voisée en allemand et en francique "sechs". L'élément occlusif vélaire a disparu du néerlandais "zes" et du frison "seis". Le gothique en avait fait une fricative: "saihs".

Le baltique semble avoir seulement simplifié la finale: lituanien "šeši" et letton "seši".

Le slave paraît avoir ajouté un suffixe "-TI" par analogie avec le cardinal 5 dans cette branche de langues: slavon "ŠESti", russe et slovaque "šest'" tandis que le tchèque et les langues yougoslaves ont "šest" sans mouillure en finale. Le polonais l'a, au contraire, accentuée "sześć".

L'albanais "gjashtë" comporte le même suffixe. La consonne initiale est sans doute un renforcement d'une chuintante originelle.

Le grec ancien "HEX" semble, de prime abord, avoir remplacé la sifflante intiale par une aspiration. Cependant, comme on trouve "WE-" sur des tablettes mycéniennes, il est possible que le mot grec initial ait été "wex*", version simplifiée d'une forme originelle"swex*".

En gaulois, le cardinal paraît avoir été "suex". L'irlandais l'a réduit en "sé". Par contre, les langues brittoniques pourraient conserver la trace d'une forme plus archaïque que dans la plupart des autres branches: le gallois "chwech", le breton "c'hwec'h" et le cornique "hwegh" renvoient à un ancêtre commun qui commençait par une occlusive vélaire. La trame consonantique paraît avoir été KWK, ce qui surprend.

Or, la présence de l'occlusive vélaire paraît confirmée par l'avestique "xšvaš", tandis que le sanscrit présente une forme déjà aussi simplifiée que le lituanien "șaș". C'est très étrange. Cette occlusive vélaire qui n'apparaît qu'en brittonique et en avestique serait-elle une trace d'un proclitique accolé ? J.S. SHELDON croit y voir à nouveau un reste de la particule copulative.

L'armature consonantique indo-européenne aurait donc été "SWK" ou "KSWK", le "s" final étant probablement une marque de pluriel.

B) Au hongrois "hat" correspond le vogoul "xot". On peut donc supposer que le cardinal finno-ougrien ancestral commençait par une occlusive vélaire qui s'est amuïe en ougrien. En effet, le mordve à "koto" et le votyak "kuat'". Ces langues permettent donc de faire le pont avec le finnois "kuusi", l'ingrien "kuz", le vepse "kuz'" et l'estonien "kuus". La dentale réapparaît dans des formes fléchies (finnois kuuden). Si l'indo-européen avait une occlusive vélaire à l'initiale, alors on pourrait entrevoir une brumeuse parenté avec le cardinal finno-ougrien.

En revanche, le turc "alti" n'y est pas du tout apparenté.

C) L'akkadien "ŠIŠu" est remarquablement proche de l'hébreu "šeš". En revanche, les autres langues sémitiques ont en deuxième syllabe une occlusive dentale: arabe "sittah", maltais "sitta", araméen "šetta", syriaque "išta". Le kabyle y est emprunté: "setta". Toutefois, le tamazeq "sadis" et le guanche "SESetti" en sont aussi proches. Il est possible qu'un cardinal afro-asiatique originel ait eu l'armature consonantique STS. Il est par contre peu vraisemblable que le copte "sow" en dérive.


7

A) Le cardinal est en latin "SEPTem". L'armature consonantique est SPT.
C'est en roumain qu'il s'est le mieux conservé "șapte". L'italien et le sarde ont "sette", le portugais "sete". La voyelle tonique est diphtonguée en espagnol "siete" tandis que la voyelle finale tombe en catalan et en provençal "set" ainsi qu'en français "sept".

Les langues baltiques ont bien conservé la racine originelle: lituanien "septynì", letton "septini". Elles y ont ajouté un même suffixe que comportent aussi les cardinaux suivants.

La voyelle finale du sanscrit "SAPTa" représente la vocalisation du "M" de la terminaison. En avestique, la sifflante initiale a été remplacée par une aspiration: "hapta". De là dérive le farsi actuel "haft".

Le grec antique "HEPTa" était très proche de l'avestique avec lequel il partageait la disparition du "S" initial.

Le germanique a perdu la dentale "T" qui était peut-être à l'origine un suffixe. Le gothique "sibun" et l'allemand "sieben" présentent une sonorisation de l'occlusive labiale, attendue conformément à la mutation consonantique germanique,  tandis que la nasale finale s'est amuïe en "N". La labiale est devenue spirante en néerlandais "zeven", en francique "siewen", en anglais "seven" et en danois "syv", tandis qu'elle a disparu dans les autres langues: norvégien et suédois "sju", islandais "sjö", frison "sân".

En slave, c'est au contraire la labiale qui a disparu tandis que la dentale s'est le plus souvent maintenue mais voisée: slavon "SEDMi", slovaque, bugare et slovène "sedem", tchèque "sedm", polonais "siedem", croate "sedam". Le russe "sem'" et l'ukrainien "sim" n'ont gardé que la nasale finale.

Le celtique a suivi une évolution comparable. La labiale est devenue une spirante vélaire en gaulois "sextan". On la trouve encore en irlandais "seacht". Par contre, elle s'est amuïe dans les langues brittoniques où elle a entraîné la diphtongaison de la voyelle tonique: gallois "saith", cornique "seyth", breton "seizh".

L'albanais n'en conserve qu'une forme très corrompue "shtatë" à laquelle l'analogie a ajouté le suffixe "-të" commun à tous les cardinaux à partir de 6.

On notera aussi le mot hittite "ŠIPTa-" dont la terminaison exacte n'est pas connue.

B) Le hongrois "hét" est à rapprocher du vogoul "sat" qui permet de supposer que, comme dans le cas du grec et de l'avestique, l'aspiration représente l'amuïssement d'une ancienne sifflante. On remarquera que le cardinal ougrien a un air de famille avec l'indo-européen. Cette impression est renforcée par le mordve "sisem" et le votyak "siz'im" où la sifflante médiane pourrait résulter de l'évolution d'une occlusive dentale. Rapproché de ces langues, le finnois "seitsemän", que les langues soeurs ont simplifié en "seitsen" (ingrien) ou "seitse" (estonien), paraît très conservateur et permet d'entrevoir un cardinal finno-ougrien originel dont l'armature consonantique aurait pu être "ST(s)M". Dès lors, on ne peut être que frappé par l'analogie avec l'indo-européen.

Le turc "yedi" nous réserve une surprise car, à la lumière de ses langues soeurs l'ouzbek "yetti", le kazakh "žetti" et surtout le yakoute "sette", analogue à l'italien (!), il paraît pouvoir être relié, pour la première fois, tant au finno-ougrien qu'à l'indo-européen.

C) Le cardinal akkadien était "SEBe". La parenté de l'hébreu "šebaε", de l'araméen "šubεa", du syriaque "šawεa", de l'arabe "sabεah" et du maltais "sebgħa" est évidente. L'armature consonantique comporte une sifflante, une occlusive labiale et une laryngale qui, mise à part cette dernière, présente aussi une concordance forte avec l'indo-européen, d'où les laryngales ont été éliminées précocement, et avec l'ouralo-altaïque.

Si le kabyle emprunte "sebεa" à l'arabe, le tamazeq "sah" et le guanche "SAtti" désignent le cardinal 7 par des mots proches de ceux que l'on rencontre dans des langues indo-européennes et ouralo-altaïques. On notera que le copte "sašef" commence par la même syllabe et que l'armature consonantique du cardinal en égyptien pharaonique était SFĦW. La concordance avec le sémitique est frappante.

A ce point du développement, on risquera la conclusion suivante: Tandis que la terminologie numérative des langues indo-européennes, finno-ougriennes, turques, sémitiques et, dans une moindre mesure, chamitiques remonte à un système originel commun à l'intérieur de chaque famille, ces systèmes sont le plus souvent très différents d'une famille à l'autre sauf dans le cas du cardinal 7 où la convergence n'en est que plus remarquable.

Que peut-on dire à cet égard ?

Tout d'abord, pour qu'il y ait eu une convergence, il faut que les peuples qui avaient parlé les différentes langues originelles dont sont issues les familles de langues passées en revue aient considéré qu'il y avait quelque chose de spécial avec le chiffre 7.

A partir de cette prémisse, on peut avancer deux hypothèses. La première est celle de l'emprunt. L'un des peuples originels avait accordé une place si particulière au nombre 7 dans sa culture ou son organisation sociale que les autres, par attrait ou par quelque autre forme de fascination, en avaient repris des éléments et le terme qui le désignait.

La seconde est que la position spéciale du chiffre 7 serait un legs commun à la quasi totalité des peuples d'Europe, d'Afrique du nord et du Moyen-Orient.

De quoi pourrait-il s'agir ? Je pense au repos du septième jour de la semaine, le Shabbat honoré par Israël. Il y a d'ailleurs un précédent beaucoup plus récent dans l'histoire des langues. En effet, le mot qui désigne le "samedi" est dérivé de "Shabbat" dans de nombreuses langues: grec "sabbaton", italien "sabato", espagnol et portugais "sábado", russe "subbota", polonais, tchèque, slovaque et slovène "sobota", croate "subota", bulgare "søbota", hongrois "szombat", roumain "sîmbǎtǎ". Même l'expression arabe pour "samedi" "yaum assabt" signifie littéralement "jour du Shabbat".

Si le Shabbat a fasciné à ce point autant de peuples historiques au point qu'ils aient désigné eux aussi leur septième jour à l'aide de ce mot, il est plausible qu'il en ait été déjà ainsi des peuples préhistoriques.

Mais, vu l'ancienneté des langues originelles, cela implique que le repos du septième jour, le Shabbat, ait été connu plusieurs millénaires avant la naissance de Jésus.

On peut aller encore plus loin. Le "-T" de "septem" rappelle une terminaison avec laquelle on obtient des formes verbales à sens passif dans un grand nombre de langues indo-européennes. A supposer que la racine "SP" ait elle-même eu une signification en rapport avec le repos, l'ancêtre indo-européen de "septem" pourrait avoir été une sorte de participe passé d'un sens tel que "reposé", comme on dit aujourd'hui en français de certains jours qu'ils sont "chômés".

Or, il y avait en indo-européen une racine "SWP" qui a donné quantité de mots relatifs au sommeil et à l'action de dormir comme le latin "SOPor", le grec "hypnos" (évolution de SYPnos*), le sanscrit "SVAPiti", le russe "SPat'" et tous les verbes parents signifiant "dormir" dans les autres langues slaves, le nordique "sova/sove" ou encore le lituanien "SAPnas".
Il est tentant de voir un lien entre ces différentes racines et de supposer que tous les peuples du nord-ouest du continent eurasiatique ont, dans les temps préhistoriques, vécu selon des rythmes hebdomadaires qui se terminaient par un jour de repos.


 En conclusion ...



Si l'on franchit la frontière entre la linguistique et la bibliologie, on entrevoit que le Dieu de la Bible aura rendu à Moïse et à Israël quelque chose qui leur avait été retiré en Egypte, le repos du Shabbat, mais qui avait sans doute déjà existé, sous une autre forme, dans les millénaires précédents et que nombre de peuples préhistoriques avaient vécu.

Peut-on alors, sur le terrain biblique, aller jusqu'à supposer que le repos du septième jour avait déjà été donné à Noé et faisait partie de l'alliance symbolisée par l'arc en ciel  ? S'il en avait été ainsi, combien cette alliance préfigurait déjà à celle, plus étendue, conclue ensuite avec Israël !