Il y a fort longtemps, ma mère m'avait dit que la représentation si familière des crèches avec un boeuf et un âne serait provenue d'une vision qu'aurait eue Francois d'Assise, donc vers le XIIIème siècle.
Alors que, dans l'Evangile de Matthieu, Joseph habite à Bethlehem dès le début et ne s'installe ultérieurement à Nazareth que par crainte des rois de Judée, dans le récit de l'enfance de Jésus de l'Evangile de Luc, ses parents habitent à Nazareth en Galilée et ne viennent à Bethlehem que pour satisfaire à un recensement. Il était dès lors vraisemblable qu'ils eussent disposé d'un âne, l'équivalent actuel d'un véhicule pour accomplir le long trajet alors que Marie arrivait au terme de sa grossesse.
Cette semaine, en étant allé quérir du jus de pomme à l'abbaye de Clervaux, j'y ai acheté aussi un livre de Michel Wackenheim relatif à l'histoire de la représentation de la crèche de Noël.
A ma surprise, j'y lis qu'il y avait déjà au IVème siècle des sculptures représentant le bébé Jésus en présence d'un boeuf et d'un âne.
Précision extrêmement intéressante, des docteurs de l'époque reliaient explicitement la présence des deux animaux à cet extrait du début du livre d'Esaïe:
"Le boeuf connaît son maître et l'âne la crèche de son maître: Israël ne connaît rien, Mon peuple n'a point d'intelligence" (1:3).
Le livre cite ainsi une prédication de Grégoire de Naziance qui écrivit en 380: "Reconnais, comme le boeuf, ton Maître, ainsi qu'Isaïe t'en avertit, et comme l'âne reconnaît la mangeoire de ton Seigneur".
Le boeuf ayant le sabot fendu et étant ruminant est un animal pur au sens de Lévitique 11, ce qui veut juste dire que sa viande peut être consommée. En revanche, l'âne n'ayant pas le sabot fendu est un animal dont la viande n'est pas kasher.
Pour ces raisons, les docteurs de la foi, à cette époque, considéraient aussi que le boeuf, l'animal kasher, représentait Israël, tandis que l'âne représentait ceux des nations venant à Christ.
J'ajoute que l'on associe justement l'évangéliste Luc à un bovin parce que son Evangile commence dans le Temple où l'on sacrifiait des animaux purs. Israël serait ainsi représenté dans la crèche par un animal souvent destiné au sacrifice, ce qui fait alors écho au sacrifice du Messie.
Expliqué ainsi, la tradition autour de la crèche prend une tout autre profondeur.